« La littérature parvient à sauver une langue même de l’usage qu’en font les bourreaux. »
Erri De Luca

Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

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Colum McCann

Colum MCCANN

Apeirogon
Belfond

3 | 510 pages | 14-02-2021 | 23€

Abir avait dix ans. Smadar avait treize ans. Abir, palestinienne, allait acheter des bonbons, Smadar, israélienne, une partition. Elles étaient pleines de vie, des rêves plein la tête. Elles sont mortes toutes les deux à quelques années d’intervalle, tuée qui par un kamikaze, qui par un soldat. Bassam et Rami, les deux pères dévastés, auraient pu sombrer dans une haine mortifère, ils vont choisir le Cercle de la vie, le Cercle des parents, combattants pour la paix : « Je n’ai plus le temps de haïr. Nous devons apprendre à nous servir de notre douleur. » Parler, se rencontrer, se connaître et tenter de se sauver comme les oiseaux migrateurs qui traversent le ciel de ces deux pays pour enfin éviter ces morts absurdes. Un combat âpre, de tous les instants, éternel et infini comme le nombre de côtés d’un apeirogon. Un texte dense, kaléidoscope, pour espérer et réfléchir, au cœur d’une guerre qui n’en finit pas et qui entretient et consolide une haine à laquelle ces deux pères tourneront le dos préférant croire à la vie et que « tout est atteignable. Tout est possible même l’apparemment impossible. ». On rêve qu’ils aient raison…

Ecouter la lecture de la première page de "Apeirogon"

Fiche #2633
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Clément Baude


Colum MCCANN

Transatlantic
Belfond

2 | 375 pages | 22-07-2013 | 22€

Colum McCann est vraiment un écrivain à part. A partir d’une lettre et de son parcours, une lettre anodine, identique à tant d’autres, il dresse les portraits croisés de personnages à travers le siècle entre les Etats-Unis et l’Irlande (« Un si beau pays. Un peu sauvage pour l’homme, quand même. »), leurs histoires, leurs allers-retours mais évidemment aussi l’Histoire. Il tisse sa toile dense, tranquillement, mais avec force et détermination et le lecteur se plait à s’y laisser prendre. 1919, Jack Alcock et Arthur Brown, deux aviateurs ont transformé un bombardier en avion de paix et espèrent relier pour la première fois sans escale l’Amérique et l’Irlande. Au moment de partir, une jeune fille leur confie une lettre à poster à leur arrivée. 1845, Dublin, Frank Douglass, un ancien esclave noir venu d’Amérique, assure des conférences dans le pays et défend la cause des abolitionnistes. Il rencontre un peuple attentif à son discours mais pauvre et affamé. 1998, New York, le sénateur américain G. Mitchell, Irlandais de sang, effectue moult allers-retours entre les deux pays et mène un ultime combat, une ultime négociation pour ramener durablement la paix en Irlande. En outre, une lignée anonyme relie ces trois figures : la modeste et jeune Lily Duggan qui après sa rencontre avec Frank Douglass, prendra en main son destin et décidera d’émigrer aux Etats-Unis (« Nos vies sont des tunnels qui parfois se connectent, laissant entrer le jour à des moments inattendus, puis elles nous replongent dans le noir. »). Une grande et superbe épopée où histoire et destins individuels sont étroitement liés et qui prouvent que notre monde est finalement bien petit.

« La recherche pointilleuse du mot. On déroule la chaîne au-dessus du puits, le seau descend dans l’obscurité. On le remonte vite chaque fois, jusqu’à ce que, au moment le plus inattendu, il arrive à draguer le fond. Porter le précieux chargement à la lumière, puis de nouveau fouiller le néant. »

« Il est toujours difficile d’estimer les conséquences de nos actes, mais je suis sûre que nos vies résonnent après nous. »

« Il n’existe pas d’histoire qui, en tout ou partie, ignore le passé. »

Ecouter la lecture de la première page de "Transatlantic"

Fiche #1329
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Jean-Luc Piningre


Colum MCCANN

Zoli
Belfond

1 | 329 pages | 19-08-2007 | 21€

Un récit qui nous fait traverser l’Europe, de la Bohème à la France, de 1930 à nos jours et suivre l’épopée de Zoli dès l’âge de 6 ans. Elle échappe alors à la mort avec son grand-père Stanislaus et leur cheval Rouge. Ils sont les seuls rescapés de leur communauté tzigane que les Hlinkas (fascistes) ont interpelée. Le destin de Zoli est terrible. Le lecteur partage sa vie quotidienne : fichages par les autorités, rencontres avec les autres tziganes, vie à l’école, confrontation aux gadjé, mariage forcé... Alors que l’écriture est réservée aux anciens (« Il m’a expliqué que c’était la tradition, seuls les anciens savent lire, c’était comme ça depuis toujours, un jour tout s’éclaircirait »), Zoli se découvre des talents d’écriture qui lui permettent de faire connaître et comprendre espère-t-elle l’histoire et la culture du peuple rom. Son mari tolère cette activité qui l’amène à rencontrer Martin Stransky poète communiste qui aimerait qu’elle devienne « le parfait poète prolétarien » et Stephen Swann exilé irlandais, traducteur de Stransky, qui désire la publier envers et contre tout. Ils comprendront trop tardivement que « nous avons fait irruption dans sa solitude pour tromper la nôtre ». S. Swann la volera et la trahira pour mener à bien son projet et elle seule en subira de lourdes conséquences... Un livre émouvant et très riche par les multiples sujets évoqués : la survie d’une culture et d’une langue marginalisées, l’identité et la différence, l’exil d’une femme libre et indépendante et pourtant attachée à ses racines... Magnifique !

« J’ai gardé espoir jusqu’à la toute fin. L’espérance est une vieille habitude des roms. »

« Il voulait dire, je suppose, que plus les gens accaparaient le pouvoir, plus ils méprisaient ce qui leur avait permis d’y accéder. »

Fiche #278
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Jean-Luc Piningre