« Tout l'histoire du monde ne me paraît souvent rien d'autre qu'un livre d'images reflétant le désir le plus violent et le plus aveugle des hommes : le désir d'oublier. »
Herman Hesse

Les comptes-rendus-avis de lecture de la librairie Vaux Livres

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Caleb Azumah Nelson

Caleb Azumah NELSON

Nos petits mondes
Denoël

2 | 340 pages | 14-07-2024 | 22€

Stephen est un jeune membre de la communauté ghanéenne exilée à Londres et nous fait partager trois de ses étés depuis l’enfance, une mère tendre et aimante, un père avec qui les relations seront tendues puis distendues, un frère aîné toujours présent. Face aux soubresauts de la vie, aux difficultés de l’exil, au racisme ordinaire, Stephen (comme son entourage proche) devra trouver comment se construire des « petits mondes », faire discrètement un pas de côté pour vivre. Et pour lui, cela ne passera pas par les études mais parfois par la cuisine puis par la danse et surtout la musique. Trompettiste, la musique le passionne, son pouvoir, sa capacité à nous aider à surmonter les épreuves (« Je ne me suis jamais trouvé que dans les chansons, entre les notes, dans ce lieu où la langue ne suffit pas… »), son universalité. Un superbe et attachant portrait d’un jeune homme discret porté par la musique, de sa vie, ses espoirs, ses tourments, ses déceptions, ses amitiés et amours. A noter le style de Caleb Azumah Nelson en parfaite adéquation avec les rythmes musicaux et les refrains adulés par Stephen.

« Alors la langue m’a toujours semblé un fardeau plutôt qu’un outil. Elle est toujours coincée quelque part, on perd toujours quelque chose entre l’émotion et l’expression. C’est la raison pour laquelle je me suis constamment tourné vers le son ; la façon dont une petite mélodie évoque un cœur brisé, dont un cri parle à notre euphorie, ou un gémissement à notre chagrin. La musique, le rythme, irréfutables. Le son nous aide à être plus proches de ce que nous ressentons. »

Ecouter la lecture de la première page de "Nos petits mondes"

Fiche #3197
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Santiago Artozqui


Caleb Azumah NELSON

Open water
Denoël

1 | 202 pages | 04-08-2022 | 19€

Il est photographe. Elle est danseuse. Ils se croisent pendant une soirée, elle est l’amie de son ami, mais un regard suffit, ils savent tous les deux, que quelque chose s’est passé, s’est noué, qu’ils se reverront dans le cadre d’une relation « honnête ». Ils se revoient rapidement, et puis encore, et puis encore. Ils se découvrent une vraie amitié, osent se regarder, se toucher, se confier, partager leur confrontation avec le racisme, le regard des autres, les présupposés violents dus à leur couleur de peau... Ils parcourent le sud-est de Londres ensemble dans les chaleurs de l’été, les évènements leur rappellent régulièrement leur couleur de peau, la peur est en lui et le mine. Mais les sentiments commencent de naitre, « Vous jouez l’un et l’autre à ce jeu aux enjeux trop élevés... », l’amour avance, le désir croît seconde après seconde sans qu’ils n'osent se l’avouer ou l’avouer à l’autre, « Donner un voix au désir, c’est lui donner un corps qui peut respirer et vivre. ». Comment aimer et vivre quand l’insécurité, la peur et le danger sont permanents ? Un superbe roman d’amour qui dissèque les sentiments qui traversent une relation amicale ou amoureuse, un portrait émouvant d’un jeune homme noir amoureux, mais dramatiquement paralysé par le racisme qui perdure même dans une ville annoncée depuis des décennies comme absolument cosmopolite.

Premier roman

« Tu découvriras bientôt que l’amour te cause de l’inquiétude, mais qu’il te rend beau. »

« Comment se débarrasse-t-on du désir ? L’exprimer, c’est semer une graine, savoir que d’une manière ou d’une autre elle va pousser. C’est l’admettre et se soumettre à quelque chose qui se situe à l’extrême limite de ta faculté de compréhension. »

« Il n’y a en vérité que deux scénarios possibles quand on écrit : un inconnu arrive en ville, ou bien une personne part en voyage. Les bons livres ne sont que des variations sur ces thèmes. »

« Ne rien faire avec quelqu’un, c’est lui faire confiance, et faire confiance, c’est aimer. »

« Deux solistes qui mènent des conversations si harmonieuses qu’ils ont du mal à se séparer. Vous n’êtes pas les musiciens mais la musique. »

« Tu sais qu’aimer, c’est à la fois nager et se noyer. Tu sais qu’aimer, c’est être entier, partial, une attache, une fracture, un cœur, un os. C’est saigner et guérir. C’est faire partie de ce monde, honnête. C’est installer quelqu’un près de ton cœur battant dans l’obscurité absolue de tes entrailles et avoir confiance dans le fait que l’autre te serrera très fort. Aimer, c’est faire confiance, et faire confiance, c’est avoir foi en l’autre. Comment pourrait-on aimer autrement ? »

Ecouter la lecture de la première page de "Open water"

Fiche #2889
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Carine Chichereau