« L’homme meurt si on le prive de pain, mais il dépérit et se fane en l’absence de rêves. »
Jon Kalman Stefansson
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Jenny et Wade se sont rencontrés grâce à un chien, et Jenny força la porte du solitaire. Ils choisirent de s’isoler dans la montagne : « Wade et Jenny sont des gens des plaines. Des gens des plaines vivant sur une montagne dont ils n’avaient pas remarqué qu’elle était beaucoup plus grande qu’eux. Un terrain acheté sans trop réfléchir parce qu’il n’était pas cher, parce qu’il n’avait rien à voir avec la plaine. Que d’arrogance et de puérilité ! » Malgré les difficultés rencontrées, ils eurent deux filles, June et May. Puis, par une chaude journée d’août 1995, ils partirent tous les quatre avec le pick-up ramasser du bois. C’est alors que le drame se produisit : inexplicable, totalement inattendu et au-delà de la violence. Désintégration, plus de famille, plus d’avenir, plus rien. Le récit débute neuf années plus tard alors Wade s’est remarié avec sa professeur de piano Ann qui, évidemment, a connaissance de son drame. Mais Wade a la mémoire qui s’envole : « Dorénavant, tout est incertain, et il ne semble pas y avoir de frontière claire entre ce que Wade est capable de faire ou incapable de faire. » Son drame semble aussi s’éloigner de lui et Ann devient le seul témoignage d’évènements qu’elle n’a pas vécus. Alors ils vont l’obséder, et elle n’aura de cesse de tenter de reconstituer le déroulement du drame. Toujours la délicieuse manie de Gallmeister de nous trouver des perles ! Emily Ruskovitch ne fait pas dans la facilité, un drame absolu, un amour absolu, un isolement absolu, une violence sourde, une noirceur profonde, un va-et-vient constant entre présent et passé, et pourtant elle nous hypnotise et ses personnages nous attirent et nous entraînent malgré nous dans leur abime. Un premier roman puissant d’une grande virtuosité.
« Pour autant qu’Ann sache, Jenny avait elle aussi disparu de la mémoire de Wade. La vie qu’il avait menée avec elle, avec May et June, le son de la voix de ses filles et la dernière odeur de leurs vêtements, tout ça avait disparu par les nombreuses blessures de la maison, tel du sang qui s’écoule dans la nuit et qui plus jamais n’irriguerait leur histoire à tous les deux. »
« Il a perdu ses filles, mais il a également perdu le souvenir de les avoir perdues. En revanche, il n’a pas perdu la perte. »
Fiche #2150
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Simon Baril