« …le sillage est-il plus beau vu du bateau ou de la rive ? »
Luc-Michel Fouassier
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Emma Fulconis est originaire de l’Escarène dans l’arrière-pays niçois. Dès qu’elle le put (« Toujours, on l’a connue qui courait. »), elle se mit à courir, un véritable petit cabri, aérien, fou, libre : « Elle va comme le vent, elle file comme une flèche, c’est ça, elle est une flèche. Athlète. Zèbre. Flèche. ». Véritable athlète (on la surnomme l’athlète), en dehors du monde, au-dessus du monde et le bonheur de courir, loin de toute compétition, aucune envie d’être première : « Elle ne courait pas relativement, mais absolument… elle était ailleurs… elle courait de tout son cœur. ». Jusqu’au jour de bascule : elle s’arrête chez son ami Stéphane, et dès la porte franchie, un molosse se jette sur elle, lui lacère la jambe, déchire les chairs, atteint le péroné appelé aussi l’agrafe. Hôpital, douleurs, rééducation… Emma a alors du temps pour penser aux paroles du père de Stéphane : « Mon chien n’aime pas les Arabes. ». Comme le chien blanc de Romain Gary, ni excuse, ni justification, juste une terrible réalité. Alors Emma, volontaire comme toujours, veut comprendre, passer outre les silences, remonter l’histoire, son histoire, l’histoire de la France, et de l’Algérie. Les faits, rien que les faits : l’histoire d’Emma et des siens, des habitants de l’Escarène, l’accueil des Harkis et « l’agrafe » qui n’existera pas entre eux et les autochtones. La blessure d’Emma met à jour celles de la région, en acceptant la sienne, sans la nier, elle fera tout pour qu’elle cicatrise, mais qu’en sera-t-il pour la seconde ? Un texte aérien tout en maîtrise, sans parti pris, juste une réalité à hauteur d’homme.
« Les chansons déhanchent les mots, les font boiter, divaguer. »
Fiche #3210
Thème(s) : Littérature française
Elles sont quatre, ovalistes dans les ateliers de soierie lyonnaise, elles tissent, « avec les quatre relayeuses nous avançons dans le mois de juin 1869, vers la grève, la première grève de femmes, de sorte que bien entendu la ligne d’arrivée est la ligne de départ, mais aussi de tous les départs possibles, du commencement, puisqu’il s’agit de la première grève de femmes, que rien n’est enregistré, aucun record. » La grève est une affaire d’hommes souvent armés, prêts à en découdre, alors celle-ci peut paraître aussi anachronique que la forme du récit, un relais de quatre femmes (un relais sportif de femmes, impossible, une grève de femmes, impossible), des femmes venues de partout, de toutes régions françaises, d’Italie… Elles ne savent ni lire, ni écrire, mais seront unies par une course, unies par un métier, unies par une injustice, unies par l’envie de participer, de revendiquer, de se lever, de bouger. Le style est précis, raffiné, le relais est une course rapide, alors le texte est ramassé pour un hommage vibrant à quatre héroïnes oubliées, qui tenteront de forcer les portes bloquées par les hommes et dont les vies seront heurtées à jamais par ce mouvement.
Ecouter la lecture de la première page de "Il n'y aura pas de sang versé"Fiche #3028
Thème(s) : Littérature française