« L’homme n’apprend rien de personne, même des fourmis. Oui. Des fous déguisés en individus en bonne santé, voilà ce que vous êtes, et vous n’êtes pas assez rusés pour avoir peur. »
Giovanni Arpino
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Szonja et sa cousine partent de Hongrie en 1929, un exil pour quitter la paysannerie et rejoindre le camp des ouvrières de l’industrie textile : Lyon, Vaux-en-Velin, la production de viscose bat son plein pour fournir de la soie industrielle. A leur arrivée, elles sont dirigées vers un foyer mené par les sœurs du Très-Saint-Sauveur. Immédiatement, tout est organisé autour du travail : chacune doit donner le maximum, avec quelle contrepartie ? De bas salaires, des horaires impossibles, des contrôles incessants, des contremaîtres « appliqués », des pénalités récurrentes, des conditions de travail pénibles et dangereuses… Religieuses et patrons main dans la main (« … une enclave de paix sous la haute protection de messieurs les patrons et du curé. ») pour encadrer dans leur vie professionnelle, religieuse et même intime cette cité ouvrière et maîtriser ce monde de travailleurs immigrés, Italiens, Hongrois, Russes, Arméniens… Des liens forts se créent, une entraide se noue, un collectif commence à germer. En plus de partager les danses joyeuses du dimanche (« Danser en plein air, c’est déjà être libre comme un révolutionnaire du 14 juillet. »), la résistance prendra forme sur fond de crise : résistance aux patrons, aux bonnes sœurs, au racisme puis bientôt au fascisme. Ces vies modestes, ces destins écrasés par le monde du travail sauront se réunir, se serrer les coudes, s’entraider et se soutenir. Paola Pigani nous offre un émouvant portrait historique des vies modestes et laborieuses sans qui le Front populaire n’aurait pas pu naître et mettre en œuvre une réelle mutation sociale.
« Etre pauvre, c’est savoir se jeter sans état d’âme dans un ailleurs. Plier sa vie dans une valise en carton bouilli, entre quelques vêtements et des rêves de second choix. »
« Nous sommes la foule immense, nous sommes l’océan qui peut tout engloutir. Dès que nous en aurons la volonté, un moment suffira pour que justice se fasse. »
Fiche #2716
Thème(s) : Littérature française
Mirko et sa sœur Simona après un périple douloureux s'arrêtent à Lyon en 2001. Comme beaucoup de leurs compatriotes, ils ont quitté le Kosovo, pays en guerre, guerre qu'ils ont vécue et subie et ne pourront jamais oublier. Après un passage par l'Italie, ils s'installent en France et l'aventure continue dans le dédale des formalités administratives pour obtenir un statut salvateur, trouver un foyer… Chacun réagit en regard de son vécu. Simona est particulièrement volontaire, décidée à rester en France et accorde une importance primordiale à la langue qu'elle découvre et apprend. Elle veut se l'accaparer, s'imprégner des mots, les faire siens, et chaque phrase devient une victoire et une preuve d'amour à son nouveau pays (« Simona garde les mots en bouche comme des bonbons. Elle en suce le silence jusqu'à ce que son cerveau veuille bien associer les images aux sons, aux lettres et restituer une partie de leur corps. Elle roule sa voix sur cette nouvelle langue. Elle l'aime. Elle la crache. Elle la chante avec toute la hargne qui l'habite. »). Mirko, plus âgé, mutilé et peut-être plus marqué par la guerre, demeure plus silencieux et solitaire. Il a trouvé un autre mode d'expression dans les graffs. Chacun essaie de protéger l'autre tout en vivant comme il le peut son exil. L'auteur montre bien que, contrairement aux poncifs habituels, toute généralisation est insensée, chaque exil (et chaque douleur) étant en effet singulier, douloureux et personnel. Sans larmoiement mais avec clairvoyance, elle décrit la difficulté immense de l'exil mais aussi les belles rencontres qu'il suscite et l'importance de la langue. Des courts chapitres, des phrases courtes, un style percutant pour un livre essentiel au coeur d'une actualité si pénible.
« Chacun a vécu sa peur comme il a pu, au gré de l'urgence, de sa haine… Mirko et sa sœur Simona sont partis sans réfléchir dans la fumée d'un incendie. Ils ont tout quitté. La peur de Milosevic, Mitrovica, leur ville, plus loin le village des grands-parents. A chaque lieu, une nouvelle vérité, une nouvelle impossibilité. »
Fiche #1691
Thème(s) : Littérature française