« Tu regardais le bleu du ciel et il te venait des larmes d’être né avec des bras au lieu des ailes. »
Christos Ikonomou
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Ils sont soumis et souffrent ceux qui vivent là. Soumis à la rudesse du temps et de la terre, à
la violence de maîtres qui n’ont “rien d’autre à faire que chasser”, aux chiens et étalons
mieux nourris que les paysans. Le Pays Arrière est comme une prison pour ceux-là, englués
dans cette terre, qui devrait les nourrir et n’y parvient pas toujours. Un lieu coupé du monde
par le Basilic, fleuve frontière.
En marge du village, trois fermes et des êtres aux destins étroitement liés. Les Montées.
La vieille Rose, qui connaît les secrets des plantes, a recueilli Bran alors qu'il avait faim, et
c’est lui qui commence à raconter. Il sent tout, comprend et partage jeux, travaux des champs et
courses dans la forêt avec les fils d’Eugène et Aelis. Dans la ferme voisine, Ambre et Léon.
Et la voilà. Madelaine. Son apparition inespérée et lumineuse bouleverse la vie aux
Montées. C’est comme un feu follet, une lueur dans leur nuit de brutes asservies, un espoir
dans leurs vies éreintantes. Sourire rageur et féroce aux lèvres, audacieuse, indomptable et
libre, sauvage et tendre, elle devient la fille d’Aelis et Ambre, jumelles, si semblables qu’on
les confond et dont la beauté est la tragédie. Les enfants leur offrent une vie à nouveau
partagée. Germain, Mayeul, Artaud, Madelaine et Bran cavalcadent ensemble dans les bois.
Leur enfance « oublie la dureté du monde ». Les enfants grandissent, Germain rêve d’avoir sa
terre. Madelaine, intranquille, a toujours en elle cette étincelle de vie, de liberté, mais de
haine aussi pour « les mains qui se croient tout permis » : « Chez Madelaine, il y a en plus une dureté insaisissable. Ambre est une pierre qui peut s’abîmer, s’effriter, se casser ; Madelaine, un diamant que rien n’entaille. ».Plusieurs saisons s’écoulent. Quand tout va bien et que la récolte est bonne, « malgré les
bras rendus douloureux par les fléaux et malgré la poussière, ils ne sont que joie, quelque
chose s’accomplit enfin ». L’araire nouvelle donne espoir mais n’est pas pour les hommes qui
n’ont pas d’animal de trait. La fatigue, l'épuisement sont la règle, « c’est normal, c’est comme
ça ». Mais quand deux années de suite la pluie et le froid sévissent, la famine dévore le
village. Les hivers surtout sont terribles, mais moins que le fils du maître à la férocité sans
limite : il saccage les blés, tue qui s’interpose, aime abîmer les récoltes, mais aussi les
femmes. Jusqu’au jour où « l’ordre des choses est fracassé »...
Dans ce superbe roman d’une tension et d’une émotion à couper le souffle, Sandrine Collette,
comme toujours en peu de mots, avec cette écriture au plus près des sens, tous
sollicités, nous emmène dans un autre temps, sombre, et sur une terre rude qui
ressemble au Morvan qu’elle connaît bien. Comme dans ses récits précédents, elle place le lecteur au
cœur, au cœur de la nature, au cœur de la forêt et, surtout ici, au cœur de l’humain.
Christine J.
« Que la vie soit mal faite, nous le savons tous.
Nous avons la conscience aiguë de l’imperfection du monde ; les terres pourraient
être partagées équitablement, et la richesse, le travail et la maladie. L'amour aussi.
Mais le monde n’est pas juste, il ne l’a jamais été ; nous avons toujours été des
gueux et nous avons toujours eu des maîtres. »
« Trop de fatigue, mais c’est normal. C’est tout le temps. Tous les jours. La fatigue est
la vie. »
« La nature, quand elle crée des situations difficiles, ne sauve ni les plus beaux ni les
plus imposants ; elle préserve les plus forts, et les plus forts sont ceux qui ont le
moins d’exigence. Madelaine et moi sommes de ceux-là. »
« Il faut recommencer : à travailler et retourner la terre, à l'ensemencer, à arracher les
mauvaises herbes, à récolter. Le cycle est rond et infini. C’est une source
d'épuisement mais aussi d’émerveillement, car au contraire des hommes, la nature
reprend toujours, même mal, même peu. »
Fiche #3262
Thème(s) : Littérature française