« Voilà pourquoi nous sommes si dépendants de la dame au pelvis. Un poulain marche dès la naissance, un babouin sait s’arrimer au dos de sa génitrice : très vite les bêtes oublient leurs mères. Il n’y a que nous qui nous y accrochons tels des vampires. Les bébés sont des monstres prématurés dans lesquels rien ne fonctionne, des ni-faits-ni-à-faire, dont la totale absence de défense vis-à-vis de l’extérieur est effrayante. Un bébé n’a rien d’admirable, un bébé est une erreur que l’on veut bien corriger. »
François Beaune
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A Riambel sur l’île Maurice, une route marque une vraie frontière entre deux espaces, deux mondes. « Les gens importants. Les petites gens. » Richesse, pauvreté. Exubérance, dénuement. Taudis, riches demeures. Soumission, pouvoir et manipulation. Employé, patron… des vies opposées à 10 mètres d’écart. Noémie est née du mauvais côté de la route, son triste destin est prédéfini. Sa mère a toujours travaillé pour ceux d’en face, une famille de Mauriciens blancs, les De Grandbourg. Sa sœur suivra le même chemin. Puis elle. Une histoire sans fin qui se répète génération après génération. Ils les dominent, ils s’en servent puis ils les jettent, « c’est comme ça et ça l’a toujours été ». Pourtant, enfant, elle est pleine de vie, d’envie d’apprendre (même si elle ne fréquente pas l’école des Blancs), de lire (« Je lis parce que ça me permet de voyager et de découvrir des endroits dont je ne peux que rêver. Ouvrir un livre, c’est comme plonger dans un océan scintillant de promesses. »), de joie, de rire. Elle croira en l’un de ces jeunes blancs, une naïveté qui la confrontera avec le mépris et la manipulation (« Nos vies ne méritent pas d’être écrites - mais seulement ostracisées. »), lui coûtera cher et la ramènera à sa place en lui rappelant le destin tragique de sa sœur. La colonisation est paraît-il terminée, certains colons sont repartis et pourtant l’histoire reste un éternel recommencement, et les conséquences de la colonisation traversent les générations. Noémie rêve encore parfois que « Le passé est ton présent mais ne laisse pas le passé être ton futur. » même si elle continue aussi de pleurer « à cause de ma grand-mère. De ma mère et de ma sœur. A cause de ce qu’on a été. De ce que je suis. De ce que nous serons toujours. » Un roman important au style ciselé qui fait planer une certaine douceur en contraste absolu avec l’indignation qu’il suscite et la violence qu’il décrit.
Premier roman
Fiche #2913
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Haddiyyah Tegally, Priya Hein