« Les morts ne meurent pas lorsqu’ils cessent de vivre, mais quand nous les vouons à l’oubli. »
Mia Couto
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Ethan Shaw est de ceux que l’on admire, de ceux qui attire la lumière. Alors quand il est accusé d’avoir violé et assassiné une jeune mexicaine, Adam ne peut y croire et il décide de revenir à Drysden, la ville où il l’a connu adolescent, il en était son meilleur ami, son idole. Il en était son opposé, timide, fragile, réservé et pourtant Ethan le révèlera à lui-même et il ne l’a pas oublié. A partir de cette enquête, Fabrice Humbert nous propose un nouveau roman monde d’une puissante réflexion qui décrypte nos codes, notre société. Une plongée dans le mensonge permanent, dans un monde où la fiction a remplacé la vérité, où tout est construit. Et si tout est construit, tout devient possible et peut se déconstruire. Evidemment Fabrice Humbert ne tombe pas dans le piège du complot mais revient sur les premiers écrivains qui « voulaient avoir prise sur le monde » et néanmoins restaient dans la fiction en créant un flou artistique entre vérité et fiction. Ces constructions fictives recherchent périodiquement leurs meurtriers, Ethan en sera l’un d’eux, et nous les jette en pâture, sans aucune réflexion, aucune analyse, aucune évolution postérieure. Nous sommes arrivés au bout de l’histoire, le récit est devenu plus convaincant que la réalité, « Le monde n’existe pas », « le monde est devenu un récit » et « Tout ce que nous vivons est un livre ou un film. », le vrai et le faux forment maintenant une belle équipe ! Un roman qui pousse à la réflexion mais qui trouble et apeure et démontre s’il en était nécessaire que nous avons basculé dans un autre monde : « La fiction est la réalité. La réalité est la fiction. La confusion inévitable mène au malheur. Ou peut-être à une autre forme d’humanité. »
Ecouter la lecture de la première page de "Le monde n'existe pas"Fiche #2473
Thème(s) : Littérature française
Après « La fortune de Sila », Fabrice Humbert continue de dresser le portrait de notre société contemporaine en croisant trois destins si éloignés et pourtant si proches. La mondialisation a réduit notablement les distances entre les pays, resserré leurs liens et lissé leurs différences. En Colombie, la famille Mastillo survit sur un lopin de terre et accepte contraint de travailler pour des trafiquants de drogue, tandis qu’au Mexique, le sénateur Fernando Urribal, proche du pouvoir, règne en maître omnipotent et intransigeant sur un domaine. Enfin, dans une cité française, le jeune Naadir, brillant élève atypique, observe avec détachement les dérives de ses proches et de ses voisins. Les trois personnages voient leur existence basculer, et malgré leur volonté, leur envie forcenée de vivre, la violence de la société mondialisée n’en épargnera aucun. Même Urribal, image d’un pouvoir fort et intégré à la société, verra la roue tournée et son existence bouleversée. Trois chutes qui s’unissent face à l’ivresse effrénée du pouvoir. Fabrice Humbert avec une grande maîtrise narrative montre qu’ici ou ailleurs la mondialisation induit les mêmes conséquences, la même violence et que les destins de tous sont corrélés : « Les destins se mêlaient, à différentes échelles, l’invraisemblable fourmillement de l’activité humaine tissant un lien fatal : le monde les embrassait tous ».
« Trouver un endroit, trouver un lieu. C’est un peu ça, la vie, non ? »
Fiche #1148
Thème(s) : Littérature française
Sila vit en Afrique lorsqu’un article affichant la richesse assumée d’un financier américain l’interpela. Quelques mésaventures le motivent à partir vers cet eldorado et sa belle étoile le mène à Paris où il se retrouve serveur dans un prestigieux restaurant. Elégant, habile, discret, il remplit sa tâche avec réussite jusqu’au soir où, demandant à un enfant de regagner sa place, le père, Mark Ruffle, un américain en visite, se leva, lui boxa le visage en lui cassant le nez. La salle resta inerte et ne réagit point mais cet évènement s’inscrivit au plus profond d’eux-mêmes et dans leurs destins. Ce fait inaugural permet à Fabrice Humbert de reprendre le destin de ces personnages, citoyens du monde de l’argent : Mark Ruffle, fils à papa, athlète raté, roi des célèbres « subprimes » et financier sans scrupules accompagné de sa femme Shoshana, sorte de poupée Barbie que cet évènement bouleversera et réveillera, Lev Kravchenko, conseiller de Boris Eltsine, oligarque accompli, qui s’est très vite adapté au monde capitaliste et a abandonné ses grandes idées humanistes contrairement à sa femme Elena, universitaire reconnue, Matthieu et Simon deux traders alors au sommet de leur « art ». Ces personnages tourneront autour de Sila (« Sila n’attendait rien de personne – ni de la vie d’ailleurs. Il n’était jamais dans la projection, l’envie, l’espoir – il vivait. Talent rare. ») comme des vautours, sorte d'animaux avides d’argent, souhaitant toujours plus, sans véritable but, le combat sera rude, ses conséquences terribles et la chute vertigineuse. Cette fuite en avant représentative de notre société ne pouvait perdurer… A travers cette série de personnages emblématiques, Fabrice Humbert dresse un portrait réussi de notre société mondialisée où l’argent devenu roi et la recherche du bonheur sont devenus à ce jour intrinsèquement liés.
« Sila considéra pendant quelques temps son nouveau patron avec reconnaissance – après tout, il aidait un sans-papiers – jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il était seulement exploité et payé la moitié du smic, sans charges patronales de surcroît. Bref, il coûtait quatre fois moins cher qu’un Français. Cela dit, Sila s’habitua à son métier. Il devint un parfait sans-papiers, recommandable à tous égards. »
« Dans la vie, le problème, c’est de se réinventer. De devenir un autre être. D’autant que lorsqu’on cherche à se réinventer, le vrai travail se produit, celui de la perpétuation, la puissante force qui pousse à être toujours soi-même, de sorte que les métamorphoses se nouent et se dénouent pour arriver au terrible constat : nous sommes toujours nous-mêmes mais plus profondément. »
Fiche #823
Thème(s) : Littérature française
Thomas d'Entragues aurait voulu être écrivain et il n’est que nègre pour le compte d'anciens sportifs ou autres vedettes en mal d’autobiographie. Depuis vingt ans, Thomas demeure dans l'ombre de ces sujets d’écriture. Son premier roman n’a jamais trouvé d’éditeur et il se contente de copier la vie des autres : « Vous écrivez bien, parait-il. Biographies, autobiographies, vous reprenez les vies, vous les refaites, vous les arrangez. Je me contente de les réécrire, dis-je, un peu surpris de sa présentation. Sur le fond, je ne change rien. Une vie est une vie. ». Un jour, son éditeur lui fait rencontrer Victor Dantès, homme d'affaires au parcours singulier, qui lui confie plus qu’un livre (« Faites moi sa biographie et donnez-moi ainsi ma part manquante ») : écrire sur son fils, Paul Moreira-Dantès disparu aux Etats-Unis où il était parti pour adapter au cinéma le roman de Céline, "Voyage au bout de la nuit". Thomas part sur ses traces, provoque les mêmes rencontres que lui, et esquisse progressivement un portrait d'un homme insaisissable. En parallèle de cette quête, la vie de Thomas apparaît avec son isolement, ses doutes et échecs. Peu à peu, il se sent proche de Paul, de ses dérives et de sa chute, et une certaine connivence les relie, double quête d’identité. En découvrant Paul, Thomas se découvre aussi jusqu’à la rencontre des deux hommes. Une enquête parsemée de nombreuses références littéraires qui baigne dans une mélancolie attachante.
Fiche #371
Thème(s) : Littérature française