« Voilà pourquoi nous sommes si dépendants de la dame au pelvis. Un poulain marche dès la naissance, un babouin sait s’arrimer au dos de sa génitrice : très vite les bêtes oublient leurs mères. Il n’y a que nous qui nous y accrochons tels des vampires. Les bébés sont des monstres prématurés dans lesquels rien ne fonctionne, des ni-faits-ni-à-faire, dont la totale absence de défense vis-à-vis de l’extérieur est effrayante. Un bébé n’a rien d’admirable, un bébé est une erreur que l’on veut bien corriger. »
François Beaune
Vous appréciez nos comptes-rendus, vous souhaitez nous soutenir mais vous n'avez pas la chance d'habiter aux alentours de Vaux-le-Pénil, tout n'est pas perdu ! Vous pouvez commander l'ouvrage de votre choix sur le site LesLibraires et choisir Vaux Livres comme librairie indépendante. Nous nous ferons un plaisir de vous livrer au plus vite. Nous comptons sur vous. |
La jeune Elba est née dans un lieu particulier où sa mère était enfermée, le monde-à-moitié, une maison pour les fous, les fêlés (« … ici, on est peut-être zinzins, mais pas crétins. »). Elle observe depuis son enfance, avec sa naïveté, son innocence et son humour, les différents fous et les différentes folies qui l’occupent, les soignants et leurs méthodes souvent archaïques alors que la loi Basaglia qui prévoit le démantèlement de ces asiles peine à s’appliquer. Néanmoins, un nouveau jeune psy, Fausto Meraviglia, viendra bouleverser les habitudes des soignants, des malades et d’Elba. Un psy attaché à ses malades que l’on va voir vieillir et que l’on suit avec intérêt avec parfois le sourire aux lèvres. Impossible de rester insensible à Elba, un roman qui touche sur la folie, le soin, la liberté, l’enfermement et la vieillesse.
« La poésie, c’est la liberté, on ne peut pas l’enfermer derrière des barreaux. »
« Devenir fou, c’est parfois une consolation, pour ceux qui n’ont rien de mieux. »
« C’est la seule différence avec les pas-mabouls : nous, on se promène nues avec notre souffrance bien en vue. La folie, c’est une sorte de vérité. »
« Une bonne loi, c’est comme un parapluie qui protège tout le monde, pas seulement ceux qui sont sous la pluie. »
« La souffrance se développe en cachette et elle explose quand on s’y attend le moins. »
« Tu sais à quoi on se rend compte qu’on vieillit ? A la perte. D’abord de la vue, puis des objets, puis de la santé, du sommeil, des amis, des cheveux, des amours. Et pour finir, à celle de son temps. »
« La vérité est une hypothèse, et une vie entière ne suffit pas à la vérifier. »
Fiche #3256
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Laura Brignon
Après des études littéraires à Liverpool, Sean Maguire est de retour dans son quartier de Belfast où il retrouve mère et frère dans un très modeste logement. Le Belfast pauvre n’a guère changé malgré les accords de paix. Tous les problèmes persistent : violence latente, alcool et drogue, précarité, opposition des religions, différences sociales et mépris de classe, différences culturelles, non-dits, secrets et fractures familiaux… La guerre civile est finie mais elle demeure toujours présente dans les esprits même dans ceux de la nouvelle génération : qui s’est engagé ? dans quel camp ? qui ne s’est pas engagé ? Les suspicions persistent et peuvent provoquer des séismes à tout instant. Le destin de Sean semble tracé, sa condamnation peut-elle être le déclic permettant de réorienter sa vie ou alors ce pourrait être une rencontre le poussant à croire en lui et en ses capacités notamment d’écriture ? Portrait réaliste de l’Irlande pauvre enchaînant petits boulots précaires dans une économie dévastée avec des accords de paix qui n’ont rien résolu.
Premier roman
Fiche #3255
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Paul Matthieu
« Il est des lieux investis par la magie et la lumière. », l’hôtel du Rayon vert en est. Il n’est pas situé n’importe où, à Cerbère, non loin de la frontière entre l’Espagne et la France. Un lieu de passage, un lieu d’exil, selon les périodes, dans un sens ou dans l’autre, hier fuir Franco, fuir le nazisme, exils des anonymes comme des intellectuels, aujourd’hui fuir les guerres, la pauvreté et toujours le drame et le déchirement de l’exil. « Mais aujourd’hui, passions éteintes, est-il raisonnable d’interroger le présent pour décrypter le passé ? » Pour en parler et faire poindre une lueur d’espoir, Franck Pavloff suit une palette de personnages, anonymes ou non (le poète Machado, le philosophe Walter Benjamin…) vivant tous un engagement, une passion, la musique, la photographie, l’histoire, l’attention aux autres, la beauté de leur lieu de vie et avec comme point d’ancrage l’humanité.
« L’œil n’est pas fait pour voir mais pour recevoir. »
Fiche #3249
Thème(s) : Littérature française
1997, « Ils sont en lutte, enfants en colère de cette fin de siècle, ils relèvent chaque injustice avec la rage des condamnés. ». Cette jeunesse engagée relève aussi que rien ne change. Colère et rage les animent, l’envie d’en découdre, l’envie de changement, d’une société juste et solidaire où la confiance règne. La violence, ils la subissent quotidiennement (« La violence, c’est bien plus qu’un fusil. »), alors ils vont répondre. Violemment. Définitivement. Et ça leur coûtera cher. Mano, Axelle, Charly, Jicé, Paola, Nacer partagent un squat, toujours prêts à en découdre avec l’extrême droite, tractent, manifestent, prêts à la violence et à payer pour leurs actes et ils vont payer. Désarmés, ils vont prendre les armes : un casse qui tourne mal, l’un d’eux et un flic restent à terre, Axelle est arrêtée, Mano réussit à s’échapper. Ces deux jeunes femmes s’aimaient et vont nous faire partager (à la troisième personne pour Mano, à la première pour Axelle) leurs vies séparées, dans l’attente, dans l’espoir de retrouvailles. Axelle, terroriste pour les uns ou délinquante pour les autres, est condamnée à 25 ans et décrit l’univers carcéral, l’avilissement, l’anéantissement, les violences physiques et psychiques… Mano est dans l’attente et la culpabilité, en souffrance permanente, des tentatives pour retrouver un quotidien normalisé mais sa vie est brisée. Deux jeunes femmes en colère animées d’idéaux, d’envie d’amour, d’une société apaisée, où chacun pourrait trouver sa place mais deux vies brisées, et aucun changement à l’horizon, la destruction en marche pourra-t-elle être évitée ?
« J’emmerde le plus grand nombre, si le plus grand nombre pense de la merde. »
« Mais aux yeux du public, l’émeute semble dénuée de sens politique, alors même qu’elle suspend soudain l’ordre social, ils le savent. C’est là qu’elle prend son sens, et si elle est sans drapeau, elle est indéniablement politique. »
Fiche #3148
Thème(s) : Littérature française
Rosella POSTORINO
Et moi, je me contentais de t'aimer
Albin Michel
14 | 420 pages | 13-11-2023 | 22.9€
Printemps 92, Sarajevo explose. Jusqu’alors, les communautés vivaient ensemble, en bonne harmonie, l’une à côté de l’autre, l’une avec l’autre, mêlées, mélangées. La guerre est déclarée, tout change, l’horreur est absolue, la haine partout, et l’Europe absente regarde de loin cette guerre derrière sa porte. Au milieu de tout ça, comme à chaque fois, Sarajevo, 1992, Kiev, 2022, les enfants. Certains ont déjà subi un premier déchirement et rejoint un orphelinat. Quelques sont vraiment orphelins, d’autres non mais n’ont plus de nouvelles de leurs parents. Rosella Postorino retrace vingt ans de leurs vies bouleversées à jamais, des destins fracassés par l'Histoire. Un bus humanitaire les emmènera sur le chemin de l’exil vers l’Italie pour un autre orphelinat. Nouveau déchirement : ils partent, sans savoir ce que leurs parents sont devenus puis deviendront, et vice-versa. Ils se rapprochent les uns des autres, tenteront de faire front ensemble, et même si leur passé et leur histoire sont différents, ils partageront les mêmes traumatismes qui s’enchaîneront : la violence de la guerre, l’exil, la rupture avec leur pays, leur famille, leurs parents, leur langue, leur terre. Ils espèrent repartir rapidement mais resteront pour la plupart. Rosella Postorino à travers le destin de ces enfants nous parle de l’absurdité de la guerre, de sa violence aveugle et de son terrifiant impact sur une génération d’enfants marqués à jamais, des traumatismes jamais cicatrisés et pour certains qui resteront toujours à vif.
Ecouter la lecture de la première page de "Et moi, je me contentais de t'aimer"Fiche #3111
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Romane Lafore
Serge Joncour nous gâte en nous permettant de retrouver les personnages de Nature humaine, Alexandre, sa famille, Constanze... La famille d’Alexandre a explosé. Lui est resté à Bertranges, dans le Lot, n’a pas bougé. Les sœurs sont parties, ont rejoint la ville, la modernité les a appelées et Alexandre représente pour elles le passé. Elles ont même vendu quelques parcelles familiales, alors les relations se sont tendues. Et puis le Covid et le confinement viennent tout remettre en cause (au moins temporairement), chacun l’appréhende à sa manière, subit les ordres et autres injonctions avec son caractère. Le monde des villes jusqu’alors indifférent (voire méprisant) au monde rural le redécouvre. Certains s’y installent, l’épidémie les incite à une réflexion sur la place de l’homme sur la terre, voire à douter de son adaptation et de sa force, un sentiment éphémère ? Alexandre accueille ses sœurs et leur famille. Les retrouvailles sont plutôt froides puis les activités et le travail quotidien comme le plantage des patates les rapprochent, les réunissent, leur rappellent leur enfance. Finalement Alexandre a peut-être fait le bon choix, l’homme du passé était peut-être dans la vérité, la terre, la campagne, la culture, les animaux, les arbres, les fleurs, les prairies, la résistance de la nature, résistance d’un monde qui a su évoluer bien avant que les citadins s’en préoccupent. Quoi de plus joyeux et tendre qu’un chiot pour celer ces retrouvailles : ils seront trois, trois chiots, débordant de vie, de tendresse, pour les réunir, leur rappeler ce qu’est la vie, créer de la chaleur. Mais pour que la chaleur humaine prenne son sens, déploie sa force avec une continuité, une longévité, elle doit s’étendre au cœur d’une nature plus forte, globale, où chacun trouve sa place, le faible, le fort, le moustique, la grenouille, l’homme, la pomme... Serge Joncour prolonge son portrait émouvant et tendre d’une famille dans une ruralité toute surprise qu’on lui prête à nouveau attention, elle qui connaît de longue date les épidémies et leurs conséquences, consciente des dérèglements déjà effectifs, du manque d’eau qui nous guette et du reste : « … la vie va d’une peur à l’autre, d’un péril à l’autre, en conséquence il convient de s’abreuver du moindre répit, de la moindre paix, parce que le monde promet de donner soif. »
« …les arbres sont sur terre depuis mille fois plus longtemps que les humains, et pourtant ils commencent à souffrir des activités des hommes, bien plus que les humains eux-mêmes. »
« … le monde n’arrêtera pas de s’arrêter… depuis le réchauffement climatique, le monde est en CDD. »
Fiche #3104
Thème(s) : Littérature française
Guillaume (narrateur) est un prof d’histoire-géo de banlieue désabusé, dans son boulot, dans sa vie personnelle, Cécile le quitte au bout de dix ans de vie commune, contrairement à son frère qui baigne dans la réussite. Pour rebondir, il fréquente une salle de sport et rencontre Nadia, jeune, belle, dynamique. Elle travaille chez Zara comme vendeuse et Guillaume découvre son intelligence et sa grande culture, et le chemin qui l’a menée à ce boulot que Guillaume juge dégradant pour elle : des parents loin d’être riches, des études et un diplôme qui ne mène à rien (« Son diplôme – ce document qui certifie moins les compétences que le milieu d’origine… »). Sur un coup de tête, pour obtenir sa revanche et oublier sa frustration, Guillaume falsifie le diplôme de son frère et offre une nouvelle vie à Nadia. Nadia n’a pas changé mais un morceau de papier mensonger lui ouvre les portes d’une autre existence, le spectacle commence. Et comme elle est talentueuse, elle gravit tous les échelons jusqu’au plus haut. L’imposture dans toute sa splendeur, le système révèle son aveuglement et ses dysfonctionnements. Guillaume n’épargne personne. Evidemment le système éducatif a la part belle, la course au diplôme où tout est prédéfini («« La loterie génétique et familiale avait désigné les gagnants… »), une vision réaliste des grandes écoles et de leur rôle est proposée : « … il leur suffit de recueillir les jeunes déjà éduqués, de les hiérarchiser par le concours, puis de dissimuler leurs avantages de naissance avec une formation prétendument exigeante : un authentique blanchiment d’inégalités. ». Mais la mascarade et la supercherie peuvent-elles durer ? Amaury Barthet passe en revue notre société avec un œil cruel, dresse un portrait acerbe et parfois cynique du système, du système scolaire, du monde politique, du monde du travail et ses personnages remplissent pleinement leur rôle !
Premier roman
« L’exploitation politique des cadavres est une tradition républicaine. »
Fiche #3095
Thème(s) : Littérature française
Soizik, prof proche de la retraite, est dans une mauvaise passe et reste alitée dans une chambre d’hôpital. Elle a donc du temps pour se raconter et pour rêver. Et le plus fou de ses rêves serait d’ouvrir dans son village breton une boîte disco, les paillettes, la joie, l’exubérance, le partage, la danse, la folie… Ses deux filles et sa meilleure amie vont alors lui venir en aide pour que ce fantasme devienne réalité. Pour couronner le tout, si John Travolta venait sur sa piste… Une ode à la légèreté, de l’optimisme, de la fantaisie tout en questionnant avec profondeur la famille, la maladie, la trahison, les différences, nos choix de vie…
« … il est si difficile de devenir léger, cela ne nous est pas donné à la naissance. »
Fiche #2997
Thème(s) : Littérature française
Raphaël Chauvet est violoncelliste. De festival en festival, de concert en concert, il parcourt la France et le monde. Seul. Sa femme l’a en effet quitté avec sa fille qu’il n’a pas revue de longue date. Un dimanche, après un concert, sur la presqu’île de Crozon, un appel téléphonique le marquera à jamais. Nathalie, son ex, lui annonce que sa fille a disparu. Elle était aux îles Féroé et personne n’a de nouvelles. Elle participait à des manifestations contre de vieilles traditions violentes et sanglantes pratiquées par les autochtones, un massacre pratiquement à mains nues de baleines et dauphins. Raphaël n’hésite pas, il prend l’avion et part à la recherche de sa fille. Il se rend compte très rapidement qu’il n’aura pas ni aide de la police locale ni aide des officiels français. Heureusement, quelques membres des associations venues manifester se joignent à lui sur la piste de sa fille. Une nature sauvage, attirante et violente comme les habitants, des traditions âprement défendues, une tension permanente, un père désespéré et en souffrance, un style maîtrisé, tous les ingrédients pour un roman noir réussi.
« Je grimpe parce que sur le chemin de nos vies rêvées, il y a tellement de monde en rade sur le bas-côté qu’on ne trouve la lumière et le silence qu’en s’élevant. »
Fiche #2982
Thème(s) : Littérature française Polar/Thriller/Noir
Harry a remporté un succès immense avec L’Aube noire, son premier roman, coup d’essai, coup de maître ce qui a renforcé de l’admiration de son père (et de sa mère) pour qui la littérature prend une grande place. Mais depuis, l’inspiration est en panne, or Harry est exigeant et ne veut pas publier n’importe quoi. Harry décide alors de s’isoler, de se mettre dans une bulle, à l’écart. Il achète sans l’avoir vue une maison dans le centre de la France à l'écart d'un village isolé où tout est sec, aride, froid : le climat comme les habitants. Seule la nature reste sauvage et superbe. Un lieu fait de secrets, de malédictions, où tous se connaissent et s'observent depuis des années, où la nuit, il est encore possible de croiser des créatures fantastiques ou démoniaques, où la sorcellerie suscite encore toutes les craintes et les attirances, où « La méfiance semble de mise, à moins que ce ne soit une posture pour tenir à distance l’étranger, l’intrus. » et Harry va l’éprouver dès les premières heures de son arrivée. Le récit mène de front l’installation de Harry, sa découverte de ce nouvel environnement, de quelques habitants qui se laisseront approcher, du visiteur mystérieux, du chien errant qui l’adoptera et le quotidien de son voisin Caleb qui restera longtemps mystérieux pour lui, un sourcier, un soigneur des animaux aux pouvoirs magiques craint du village et se complaisant dans sa solitude, les hommes n’ont que peu d’intérêt pour lui et les femmes suscitent sa crainte. Evidemment cette nouvelle vie sera certainement propice à l’écriture, Franck Bouysse nous offre en effet un roman dans le roman, une construction singulière, un style superbe, des surprises jusqu’à l’ultime page, une ambiance, des personnages, une aventure humaine et littéraire sans préciosité mais avec maîtrise. Puissant et addictif, comme d’habitude avec Franck Bouysse.
« Les esprits voyagent après la mort, plus libres que les corps. »
« La sauvagerie est un mot inventé par les hommes. »
« ... la haine n’est pas une arme létale, mais du sel incrusté sous la peau. »
« ... réfléchir à la vie, aux femmes, à la littérature, trois féminins à accorder. »
« ... les phrases bien calées contiennent uniquement du sens, et que les plus bancales recèlent parfois une magie à découvrir. »
« Un simple soldat sorti du rang n’a jamais donné d’ordre à un général, sinon ça se saurait. »
« ... le beau vous arrive sans l’on attende, sous une forme non imaginée, à la manière d’une coulée de lumière dans laquelle on est pris... »
« ... un chien ne dort jamais complètement quand il a quelqu’un sur qui veiller. »
« Une fois assouvie la dérisoire ambition du nid et de l’œuf, que reste-t-il des ambitions de chacun ? »
« Il n’existe nulle part d’œuvre profonde sans l’ombre de la mort. »
« ... ce que donne une femme est bien supérieur à ce qu’elle reçoit, qu’un homme est toujours en dette avec elle, qu’il ne parvient même jamais à rembourser une telle dette. »
« Parce que les femmes, en vérité, ça ne veut rien dire pour un homme. Avant qu’il ne rencontre celle qui supprime le pluriel. »
« On finit tous par fuir quelque chose. »
Fiche #2902
Thème(s) : Littérature française
Oliva Denaro (anagramme de Viola Ardone...) vit ses quinze ans et ses rêves à Martorana, petit village sicilien, dans les années 60. A cette époque, « Les règles de la femme, c’est : marie-toi, fais des enfants et entretiens ta maison... » et Oliva a déjà d’autres ambitions et désirs. Elle aime apprendre, elle aime les mots, les découvrir, les comprendre, en jouer, raisonner. Elle aime la vie simple, avec sa grande soeur, son frère jumeau, sa mère et son père, un père légèrement en retrait, mais discret, attentionné, aimant, protecteur et sachant prendre les décisions quand il le faut pour que sa fille soit heureuse et libre indépendamment des croyances et coutumes (un père en voie de disparition dans cette rentrée 2022 !). Mais elle a l’âge où les hommes commencent à la regarder, à l'envier, et l’honneur passe aussi par la chair, par la puissance et la domination sexuelles, ils pensent pouvoir décider, posséder, « Ici, le garçon est un brigand et la fille c’est comme une carafe : qui la casse la ramasse. ». Oliva est une rebelle (comme sa meilleure amie Julia, future députée, qui s'engagera politiquement pour défendre la cause des femmes) et même cassée à jamais, elle ne se laissera pas recoller par n’importe qui, c’est elle qui décidera. Un personnage attachant et impressionnant qui nous plonge dans le quotidien des femmes des années 60 en Sicile, dans le combat des femmes pour qu’elles se détachent du pouvoir ancestral des hommes en rappelant le rôle essentiel des mères (« Si les mères expliquaient le respect de la femme et la parité à leurs garçons, si elles permettaient à leurs filles de vivre librement, sans restrictions, si elles les laissaient suivre des études... Moi, je pense que le changement doit venir des femmes ! ») et un personnage qui aura pris sa part pour que les petites filles arrêtent de penser « J’aurais été plus heureuse si j’étais née garçon... »
« La loi, c’est pour les gens qui ont de l’argent... »
« Tout est politique : nos choix, ce que nous sommes prêts ou pas à faire pour nous et pour les autres... »
« Dire oui, même un âne sait le faire, alors que dire non est difficile, mais une fois qu’on a commencé on n’arrête plus. »
« N’aie donc pas peur, quand on dit la vérité on ne se trompe jamais. »
Fiche #2897
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction :
Laura Brignon
L’île Batz, face à Roscoff, Finistère Nord, pays de légendes et de croyances, et ses habitants qui vont devoir vivre avec un miracle, une vision. Alan et Isaac son fils, un ado différent, la famille Bourdieu avec un père catholique plus que fervent, un fils adoré soldat, Hugo le second, « dont la présence seule suffisait à soulever en lui un mépris qui lui échappait encore » qui adore le ciel mais pas le même que celui de son père, et Julia la petite dernière, Madenn qui tient l’auberge de l’île, Sœur Anne nouvellement arrivée sur l’île en attente d’une vision de la Vierge, prophétie d’une autre sœur. Mais ce n’est pas elle qui aura une vision, c’est Isaac, qui avouera avoir vu une femme en blanc, sans jamais parler de la Vierge. Toute la communauté s’empare de cette annonce, de ce miracle. Le climat se tend, les croyances s’exacerbent, les tensions ressortent, la tempête s’annonce, les sentiments se déchaînent dans cet espace particulier qu’est une île.
Ecouter la lecture de la première page de "Un miracle"Fiche #2900
Thème(s) : Littérature française
« L’espérance est ma patrie » relate l’enquête de Stig Nyman, un généalogiste venant de Stockholm en Estonie sur les traces de Toomas Luutos, un collectionneur faussaire qui a laissé un héritage. Cette recherche généalogique lui permet de nous plonger au cœur d’une histoire familiale intime quand il découvrira les deux enfants de Toomas mais aussi de l’histoire des pays baltes, envahis par l’un, puis envahis par l’autre, puis par le suivant… mais jamais muselés totalement. Les deux enfants Luna et Lukas sont exilés en France et ne se voient plus. Leur séparation a fait suite à un drame et la famille a alors explosé. De l’art, de la peinture, de la musique, de l’histoire, la nature et l’eau, de l’intime, des drames, une réconciliation apaisée pour une enquête menée tambour battant, vous allez dévorer le dernier Pavloff !
« C’est un leurre de vouloir figer le temps… le présent naît forcément de quelque chose qui existait déjà, non ? »
« Dire autre chose que le vrai n’est pas mentir ; romancer le réel, c’est faire un pas vers la complexité de la vérité. »
Fiche #2805
Thème(s) : Littérature française
Dans les années 50, le gouvernement fédéral des Etats-Unis a décidé de mettre un point final à l’histoire des Indiens, il s’agit de « la termination », mélange d’expropriation et d’exclusion. Thomas Wazhashk (inspiré par l’histoire du grand-père de l’auteur) est veilleur de nuit dans le Dakota et comprend que cette loi sous couvert d’émancipation marquerait la fin des siens. Il décide de s’y opposer et s’engage jusqu’à oser prendre la parole devant les Sénateurs, à se confronter à « Ces fonctionnaires avec leurs visages lisses et satisfaits. Leur approbation lui était aussi détestable que leur condescendance. ». « Celui qui veille » revient donc sur ce combat avec une multitude de personnages, sur le mode de vie et les croyances des tribus indiennes, leur amour et leur respect de la vie et de la nature qui demeure malgré les difficultés au quotidien de ces années là. Histoire d’un combat, histoire d’une culture, histoire d’une oppression et d’une ségrégation, roman dense et multiple, roman de l’Amérique sous la plume et l’œil précis d’une illustre Amérindienne. Prix Pulitzer 2021.
« Le gouvernement fédéral, ça ressemble plus au sexe que ce qu’on croit. Quand ça se passe bien, on n’en fait pas grand cas. Mais quand ça se passe mal, on ne pense plus qu’à ça. »
Fiche #2793
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Sarah Gurcel
Franck, vingt-et-un ans, est né du côté des chantiers navals de Saint-Nazaire, le Saint-Nazaire industriel. Il a vu son père trimé sans relâche, lever le coude souvent, trop souvent, partagé la tristesse de cette vie qu’il estime monotone et sans intérêt, en tous cas qu’il ne souhaite pas reproduire. Alors l’espoir de devenir footballeur pro lui maintient la tête hors de l’eau et lui permet d’espérer de changer de rive. Il a déjà pu accéder avec ses deux compères Yann et Clément à un autre monde où l’argent coule à flots et le reste aussi… Alors Franck ne peut patienter, et trouve moyen, temporairement pense-t-il, de satisfaire ses nouveaux besoins par de l’argent facile. Mais changer de rive n’est pas donné à tout le monde et le roman s’ouvre avec le suicide de Franck, une chute vertigineuse et mortelle depuis le pont monumental de Saint-Nazaire. Sa sœur, Julia, brillante avocate qui avait quitté la région et sa famille de longue date, revient pour son enterrement et retrouve un ancien ami de lycée en charge de l’enquête. Une intrigue bien menée et construite mais si vous souhaitez découvrir Emmanuel Grand, n’oubliez pas ses trois excellents précédents romans.
« ... la vérité n'est pas un objet solide que l'on peut saisir entre ses mains et mesurer avec précision. C'est un concept mou, malléable, protéiforme. »
Fiche #2673
Thème(s) : Littérature française Polar/Thriller/Noir
Après un an de séparation (« Nous nous étions éloignés ; nous existions en parallèle. Nous nous étions appris par cœur. C’était trop. Plus rien à découvrir, plus rien à espérer. Représailles immédiates. »), Camille souhaite rencontrer son mari le narrateur à qui leurs deux enfants manquent terriblement, comme si un morceau de lui avait disparu. Il est convaincu que cette séparation les a fait basculer directement dans le monde adulte et laissera un goût amer à leur enfance. Camille lui annonce qu’elle souhaite divorcer et qu’elle vit avec un nouveau compagnon qui est leur ancien voisin. Voisin qui avait accueilli le mari au moment de leur séparation et qui l’avait soutenu. Cette nouvelle provoque un retour en arrière du narrateur sur sa vie de couple ainsi que sur ses relations avec son voisin, fêtard invétéré et menteur professionnel. Le malaise de savoir ses enfants aux mains de cet individu accroît encore la douleur de cette séparation. Une vision légère mais sincère d’une séparation.
Fiche #265
Thème(s) : Littérature française
Sisco d’origine italienne et journaliste à Gap rencontre par hasard en marge de la Mostra de Venise le grand cinéaste grec Xerkès. De leur discussion impromptue naîtra une collaboration. Après son échec à la Mostra, Xerkès engage Sisco comme scénariste de son prochain film. En effet, il se dit passionné par les travaux de Sisco sur Mandrin. Mais l’ambition de Xerkès cinéaste insaisissable est plus vaste : il veut rendre compte du monde, de ses folies, de ses violences, de son obscénité, des désespérantes similitudes entre le passé et le présent (« Contrairement à ce que tu penses, les peuples n’apprennent rien du passé, ils pataugent en rond dans la même gadoue, s’embarquent dans les mêmes galères, l’histoire des civilisations n’est pas linéaire ». S’agit-il d’un projet vain : « Personne n’avait trouvé la bonne façon de rendre compte du monde. ». Les deux hommes se heurteront devant leurs approches différentes de l'écrit, du cinéma, du rôle du cinéaste (« Quand je m’approche, caméra à l’épaule, de la détresse des faibles, à N’Djamena ou à Embrun, je ne la provoque pas, je décide de l’enregistrer, même si elle me renvoie à l’illisibilité du monde »), de la vie tout simplement mais ils resteront liés jusqu’au dénouement. Le tournage débute dans une chapelle près d’Embrun mais Xerkès emmène souvent aux risques de leur vie sa troupe hétéroclite dans les lieux du monde où la barbarie règne : une troupe de saltimbanques polyvalents, une serveuse fine psychologue amoureuse du présent sans regard pour le passé et le futur, une photographe chilienne à l’affût du cliché clé de son existence. Calme et violence alternent et renforcent l’ambiance quelque peu désespérée de ce récit : tragédie d’un cinéaste, tragédie humaine ou tragédie récurrente de l’Homme ?
« L’obscénité ne vient pas du sujet qui se dévoile mais de l’intention de ceux qui le regardent »
« Mon grand-père de l’Argentière me racontait que pour comprendre le monde, il fallait s’asseoir sur son cul et admirer le ciel, plutôt que d’enfiler ses bottes pour aller le maudire. »
Fiche #275
Thème(s) : Littérature française
Le narrateur est séquestré par sa femme dans une position inconfortable : il est allongé pieds et mains liés et se déplace en rampant. Il ne croise plus sa femme qu'à quelques rares exceptions près. Ses 42 kilos tout mouillés sont loin du poids de son épouse qu'il qualifie de "baleine" tout en restant amoureux de sa peau. Le narrateur n'a plus que le lecteur comme interlocuteur et il lui dira son passé et son incompréhension devant cette situation. Reste une énigme : comment s'est-il retrouvé dans cette position ? Séquestration, violence, domination, masochisme...
"En haut des marches de l'église, elle s'est arrêtée, m'a souri et m'a prévenu que je pouvais bien essayer de la quitter, elle ne me laisserait jamais partir"
"On ne torture avec délices que ceux qu'on aime"
Fiche #136
Thème(s) : Littérature française
- Ardone - Magee - Pavloff - Brunet - Postorino - Joncour - Barthet - Janicot - Gain - Bouysse - Ardone - Mas - Pavloff - Erdrich - Grand - Neuhoff - Pavloff - Monnehay