« La guerre ne forme pas la jeunesse, elle la viole. »
Antonin Varenne
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Ivan semble dans un premier temps suivre le chemin habituel, le but classique partagé par beaucoup, échapper à sa condition mais rapidement lassé de sa course folle et sans but dans un monde qui lui est étranger, il choisit de devenir charpentier, métier manuel universel, intemporel entre ciel et terre qui permet, malgré sa rudesse et sa dangerosité, de laisser voguer pensées et rêves. Ivan et un narrateur suivent son itinéraire. Ivan est d’abord soumis à l’intérim et à ses règles esclavagistes dans le Paris des arrière-cours, derrière les échafaudages, loin des paillettes ! Société hiérarchisée qui exploite sans aucun sentiment la misère humaine, rencontres avec les sans-papiers, les sans-grade, les exilés... Mais Ivan ne supporte plus ce monde, cette société moderne : « J’ai mal au monde. J’ai mal à moi-même, à mon corps, à ma tête. Je me suis trompé, renié, tué sans m’en rendre compte. Sans rien y comprendre. Mon époque m’a égaré », et préfère une autre voix : « Il a choisi ça. L’errance ». En effet, de Paris à Bamako en passant par Marseille et l’Espagne, après la fin d’un amour désespéré et intense, Ivan part sans but à part celui de retrouver Abdullaye son ami sans-papiers expulsé de France, laissant couler le temps au gré des rencontres. Au Mali, il s’engage sur un chantier géré par les Chinois, les nouveaux rois de l’Afrique qui remplacent les anciens colonisateurs, s’imposent par le nombre, au service de leur économie. Il retrouve l’engagement, la solidarité, la joie sans oublier évidemment la pauvreté et les règles imposées par les puissants. Un premier roman dense et intense, roman des ouvriers, des manoeuvres, des exploités,
roman initiatique, social et politique, roman d’aventure mais aussi trajectoire d’un homme à la recherche d’amour et refusant l’injustice et de se plier aux règles castratrices de la société libérale contemporaine.
Premier roman
« Car c’est bien connu, les autres sont dangereux, polluants, chiants, mortels, bref : ils sont différents. »
« Les Européens ne comprennent plus ces choses. Ils doivent réapprendre ce que signifie s’exiler pour survivre. »
« Mordille les oreilles d’un saxophoniste, il en restera toujours quelque chose ! »
« Vivre c’est gagner du temps ; attendre c’est mourir. Voilà désormais l’étrange règle. »
Fiche #1007
Thème(s) : Littérature française
Karel a toujours voulu être grand reporter pour informer, témoigner, éclairer mais il a très certainement atteint un point de non-retour. Entre reportage et roman, il revient sur son parcours, ses voyages, ses reportages, ses convictions, ses utopies. Partout où la violence frappe dans le monde, Karel pose ses valises : « Pendant des années, j’avais dérivé, sans ancrage, de lieu en lieu, sans aucune responsabilité hormis celle d’être le témoin de la folie qui dévore le monde – d’être un conteur, d’être là où se passe l’essentiel. D’être moi-même. ». Au cours de ses reportages, Karel est à l’affût de moments paisibles, de joies simples, de trêves. Il rencontre Reiko une photographe japonaise auprès de laquelle il aimerait s’abandonner. Deux être différents au milieu du chaos… Même s’il réussit parfois à conserver de la distance face aux évènements qu’il vit et dont il témoigne, il est marqué par tous ces conflits dont il est finalement partir prenante et peu à peu la culpabilité gagne du terrain. Les questionnements l’assaillent : la géopolitique, les rapports de force entre états, les multiples conflits, l’Occident, les USA, le métier de reporter, l’écriture. Un livre dense, constat réaliste, froid, parfois désespéré et désespérant d’un homme et d’un monde arrivés à un point de non-retour. A découvrir.
Fiche #844
Thème(s) : Littérature étrangère
Traduction : Maryse Leynaud