« La vérité est tout ce que les images ne disent pas. »
Alessandro Piperno
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Ils sont vingt-quatre. Vingt-quatre chefs d’entreprise en 1933. Vingt-quatre dirigeants, plus ou moins puissants, qui vont suivre, accompagner l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Par lâcheté, par intérêt, par soumission, par connivence, ils vont prendre part ou financer le pouvoir hitlérien et surtout continuer de vivre, de produire, de vendre. Eric Vuillard décrit (et interroge) le comportement et les motivations des puissants (du monde politique ou économique) de l’Europe qui opteront pour « la politique d’apaisement »... face à l’efficacité pourtant terrifiante de Goering et Hitler. Et bien après la chute du régime, « Les entreprises ne meurent pas comme les hommes. », Eric Vuillard n’oublie pas de rappeler que l’influence et le pouvoir de ces grandes familles perdureront. Comme à son habitude, Eric Vuillard, dans un court récit au ton parfois ironique, décortique à hauteur d’homme, va à l’essentiel dans les coulisses de l’histoire, emprunte les chemins de traverse, avec clairvoyance, et aimante le lecteur, le questionne, le fait grandir.
« Ici, il n’y a qu’un seul cadrage qui vaille, il n’y a qu’un art de convaincre qui vaille, il n’y a qu’une seule manière d’obtenir ce que l’on souhaite – la peur. Oui, ici, c’est la peur qui règne. Terminées les politesses allusives, les formes retenues de l’autorité, les apparences. »
Fiche #2051
Thème(s) : Littérature française
14 juillet, une date universelle ! Connue de tous, un jour historique, une journée charnière mais que sait précisément chacun de nous de ce jour si particulier ? L’histoire officielle, académique, nous a appris les grands noms, les grands discours, les grands effets de manche, les grandes joutes oratoires, le théâtre habituel. En effet, la Révolution ne se situe pas seulement dans les gymnases et les couloirs de l’Assemblée. D’autres peut-être sans toujours savoir réellement pourquoi sont sortis de leur maison, ont abandonné une femme et un enfant, ont pris la rue, les armes, ont crié, couru, sont morts et ce sont ces anonymes qui ont rendu possible ce bouleversement. Et Eric Vuillard se range ostensiblement à leur côté, il recadre, donne chair, remet l’humain au centre des événements, c’est aussi un charretier de Bourgogne arrivé on ne sait comment à Paris et on ne sait quand qui a fait la Révolution ne supportant plus le prix des perruques (les coiffeurs de nos têtes couronnées nous ont donc toujours coûté cher !) et le faste de la cour. Le récit nous plonge au cœur de la révolte, dans la place, loin de l’histoire lisse et propre, au plus près des acteurs anonymes, qui prennent part, souvent de façon très fugace (« Son épopée n’a duré que quelques minutes. ») aux actions du jour, même si « Personne ne sait de quoi la liberté est faite, de quelle façon l’égalité s’obtient. ». Un récit épique haletant qui revient de manière originale sur une journée fondatrice et arrive à point nommé tant l’éloignement entre le peuple et le pouvoir demeure une constante historique !
« Les nobles bouffent les rogatons de première main. Les domestiques rongent les carcasses. Et puis on jette les écailles d’huîtres, les os par les fenêtres. Les pauvres et les chiens récupèrent les reliefs. On appelle ça la chaîne alimentaire. »
« Dès qu’un esprit fermente, on l’emprisonne, dès que cent ou mille esprits fermentent, on envoie les gendarmes leur tirer dessus, mais quand des dizaines de milliers d’esprits fermentent de conserve, alors on envoie une députation, on noue un tire-jus au bout de son stick, et on l’ébroue gentiment. »
Fiche #1827
Thème(s) : Littérature française