« L’hiver replie les âmes sur elles-mêmes, rétracte les envies comme les coins d’une vieille lettre jetée aux flammes. »
Jérôme Bonnetto
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Astrid est au fond du gouffre. Elle a tout perdu, ses trois amours disparus (le récit nous fera découvrir très progressivement leur histoire), elle reste inerte, sans envie, sans vie. Alors elle part. Elle achète une maison au fond d’une vallée du Mercantour. Elle s’y installe avec quelques cartons renfermant son passé et redécouvre la poésie comme bouée de sauvetage. Elle est seule mais Jibril, Tom, Kamal continuent d’être en elle, de vivre en elle, « myriade de souvenirs, flashs, intonations... » émaillent le récit au gré de ses rencontres, de son quotidien. Loin de cette vallée, la jeune Soraya quitte tout en empruntant le chemin de l’exil avec sa tante Ibtissam. Elle abandonne son pays, la Syrie, les bombes ont eu raison de sa vie, de son quartier, de ses proches. Rapidement, la famille est séparée et elle se retrouve seule avec sa tante. Le chemin est long, ardu et surtout dangereux et la vie qui naît dans son corps et qu’elle abhorre le démontre. Elle atteindra finalement seule, dans le froid et la neige, la France. Astrid sauvera Sorya et l’accueillera, pour ces deux femmes, « ... la vie normale a foutu le camp. », a disparu. Sorya reste dans la peur et découvre que les portes de la France ne s’ouvrent pas autant que dans ses rêves. Les deux sœurs de souffrance vont apprendre à se connaître, à s’apprivoiser, à partager et exprimer leurs douleurs, à rompre leur isolement. « Combien de gens ont traversé l’Europe à pied, sans bagage ni argent ? A part les exilés comme elle, les chassés de Syrie, du Mali ou d’Afghanistan ? Pourquoi ceux qui accordent les papiers ne mesurent-ils pas le courage nécessaire ? » A l’heure où la commémoration est devenue un sport national, il est peut-être temps d’accorder les actes aux paroles, de reconnaître les Justes d’aujourd’hui, et donc de soutenir sans retenue les personnes comme Astrid et Cédric Herrou plutôt que de les traîner devant les tribunaux, d’accueillir avec humanité les personnes comme Soraya plutôt que de continuer de les traquer. Ces deux femmes exceptionnelles et rattrapées difficilement par quelques instants fugaces de vie et ce récit poignant débordant d’émotion et d’humanité nous le rappellent douloureusement.
« Où Astrid a-t-elle lu que la colère n’est pas une émotion ? Plutôt un paravent, une illusion derrière laquelle se cache une autre émotion, réelle celle-là – peur, tristesse. »
« Soraya préfère le hasard. Il est capricieux mais innocent, une créature puissante dansant sous le clair de lune. »
Fiche #3225
Thème(s) : Littérature française